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Trịnh Công Sơn ou le mystère d’une poésie du désespoir

- Webmaster cập nhật lần cuối 02/04/2011 16:59
BUI DUC Hào Vân, 2001

Pendant que des milliers de Vietnamiens lui rendent les plus grands hommages, au Vietnam et à travers le monde, par de multiples concerts, grandioses ou intimes (*), commémorant le 10è anniversaire de sa disparition (1/4/2001), nous nous permettons de vous présenter à nouveau, ami francophone, le bel article de notre ami BUI DUC Hào Vân lui consacrant, et écrit peu de temps après son « départ pour l’au-delà ».
(30/03/2011)

Le premier Avril dernier s’éteignait, à la suite de graves maladies, Trinh Công Son 62 ans. Figure emblématique et leader incontesté des artistes pacifistes du Sud Vietnam dès la fin des années soixante, Trinh Công Son fut sans doute aussi le compositeur le plus inventif, populaire et productif du Vietnam, dont l’œuvre – colossale - reste à redécouvrir. Né en 1939 à Dac Lac mais originaire de Huê’, Trinh Công Son a fait ses études dans les lycées français de Huê’ et de Saigon.

Trinh Công Son
Trinh Công Son par Van Vy

Son talent et sa passion pour la musique se sont révélés très tôt puisqu’il connaissait déjà le solfège à 10 ans. Autodidacte tant en musique qu’en peinture, Trinh Công Son a composé ses premières chansons à l’âge de 17 ans. A partir de 1963, il est devenu le jeune compositeur le plus en vogue du Vietnam avec des œuvres originales qui ont remporté de grands succès, non seulement au Vietnam, mais aussi à l’étranger, comme en ont témoigné les records de diffusions de certaines de ses chansons au Japon.

Considéré par la presse étrangère comme le Bob Dylan vietnamien, Trinh Công Son a été le premier compositeur vietnamien à avoir publié des albums à thèmes à un rythme particulièrement soutenu : Ca Khu’c Da Vàng ( littéralement : Chansons des « peaux jaunes » ), Kinh Vietnam ( Prières vietnamiennes ), Ta Phai Thâ’y Mat Tro`i ( Nous devons voir le soleil ) furent quelques-uns des recueils de chansons les plus connus de l’époque de la guerre américaine.

Mais avec quelque 300 titres ( actuellement répertoriés) à son actif, Trinh Công Son se définit avant tout comme « le troubadour traversant cette terre pour chanter son sentiment de la fugacité de la vie ».

Sur le plan musical, Trinh Công Son a créé un renouveau dans la chanson vietnamienne en y introduisant notamment le rythme Jazz / Blues, le style « folk song » à la vietnamienne. Il a inventé, entre autres, le concept de la chanson descriptive évoquant des images tantôt d’un éclatant réalisme, tantôt d’une poésie infinie.

Cela tient de la grande perspicacité de son regard sur la vie et aussi de son immense sensibilité. Son verbe poétique, sa maîtrise des techniques picturales transposées à la composition musicale, sont indiscutablement à l’origine de ses remarquables réussites dans l’écriture de ses chansons. Plus étonnant est le fait que ses chansons soient fort appréciées alors que peu de gens peuvent prétendre en comprendre vraiment les paroles.

Magie des chants ou mystère d’une communion parfaite ?

Une chose certaine, c’est que Trinh Công Son est adoré par ses compatriotes. Nul doute qu’au-delà de leurs qualités, ses chansons ne soient l’expression même de l’âme vietnamienne, de sa douceur et de son sens de la beauté. Car l’œuvre de Trinh Công Son est belle. Une beauté qui tranche avec le tragique du destin d’un peuple engagé dans une quête désespérée d’une vie meilleure depuis des siècles.

Trinh Công Son déclara préférer « chanter le désespoir pour mieux aimer la vie ». Chantre de l’amour, il n’a cependant cessé d’exprimer l’obsession d’une séparation imminente, voire d’une trahison récurrente, tout en magnifiant la beauté absolue de l’être chéri.

Est-il possible que Trinh Công Son ait vécu un drame personnel en même temps que celui de son pays ? Cependant, sa générosité, sa sensibilité bouddhiste permettent à une certaine sérénité de baigner, malgré tout, ses œuvres.

Sur le fond d’une guerre terrifiante dont il a montré l’atrocité et l’absurdité sans avoir pour autant porté de jugement, Trinh Công Son fut sans doute le porte-parole le plus fidèle de son peuple : revendiquer le droit à l’amour, à son espace individuel de rêve et de créativité en l’absence de toute tonalité d’héroïsme et de gloire collective.

Certes, à un moment donné, le compositeur a cru possible la construction d’une société plus fraternelle et plus juste ; d’où de nombreuses chansons engagées aux paroles quasiment révolutionnaires qu’il a écrites en pleine guerre américaine dans les villes du Sud.

Mais les illusions tombèrent très vite et Trinh Công Son annonça, fin 1972, avoir renoncé à toute foi pour "ne plus croire qu’au désespoir", c’est à dire se fier à lui-même. Mais le poète n’a jamais sombré dans le cynisme. Au contraire, Trinh Công Son indiqua: "chacune de mes chansons est une déclaration d’amour à la vie, une allusion discrète au désespoir et aussi une profonde nostalgie de la séparation à venir avec cette terre dont j’aurai momentanément partagé avec les hommes les joies et les peines."

En tant que citoyen et compositeur, il a su faire un choix loyal et lucide envers son pays, pendant et après la guerre, en décidant notamment de ne pas le quitter, à la différence d’autres artistes du Sud du Vietnam. Certaines de ses créations d’après 1975 comptent parmi les chefs-d’œuvre de la musique vietnamienne contemporaine. Et la présence des dizaines de milliers d’admirateurs du poète défunt à ses obsèques - le 4 avril dernier à Hôchiminhville - témoigne, si besoin en était, de l’extraordinaire popularité dont a bénéficié Trinh Công Son, ce qui constitue un fait rarissime dans le contexte du Vietnam actuel.

Témoin privilégié de son temps, Trinh Công Son a réalisé des innovations majeures dans le domaine de la chanson en y insufflant une modernité qui concerne aussi bien le fond que la forme. Son œuvre explore des thèmes encore peu traités et réussit ce coup de force d’exprimer, dans ce genre apparemment mineur qu’est la chanson populaire, la perplexité de l’homme devant le mystère de l’existence, en parvenant à toucher tous les publics.

C’est en ce sens qu’avec Trinh Công Son, la musique vietnamienne a atteint une dimension universelle.

BUI DUC Hào Vân
(Passions VietNam N°9 Juillet 2001)



(*) Notamment, Bob Dylan lui rendra hommage lors de son premier concert au Vietnam le 10/04/ 2O11 à l’Université RMIT (Ho Chi Minh-ville), et en France, l’association Maison Vietnam organisera prochainement un concert le 14/05/2011 à la salle du Sénéchal, Toulouse (www.maisonvietnam.org), et l’Association culturelle Trinh Công Son , le 11/06/2011 au Grand Théâtre les Gémeaux, Île de France (www.tcs-home.org).

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